Tout d’abord, il y a eu la pandémie, puis la guerre et maintenant la flambée de l’inflation: pour la plupart d’entre nous, de tels enchaînements d’évènements figurent uniquement dans les manuels d’histoire. Dans ce contexte incertain, il est très difficile d’établir des prévisions. Garder tout son argent sur un compte d’épargne n’est pas non plus une solution, car l’inflation grignote les intérêts de l’épargne. Avant d’investir, il faut toutefois être parfaitement au fait des trois principaux risques de cette décennie que l’on peut désigner par ces trois mots-clés: «puissance», «têtes grises» et «forte inflation».
Puissance: le protectionnisme et la «multipolarité» à l’ordre du jour
L’attaque perpétrée par la Russie contre l’Ukraine suscite et attise les craintes de voir de nouvelles guerres éclater. Sur le plan géopolitique, la question de Taïwan constitue le sujet le plus brûlant. Empêtré dans ses problèmes de dette publique, l’Empire du Milieu a certes besoin du commerce mondial et des technologies occidentales, mais le risque d’une escalade militaire subsiste.
Sur fond de concurrence entre grandes puissances, la situation demeure tendue entre la Chine et les États-Unis. Les échanges de marchandises et d’idées entre l’Orient et l’Occident vont encore se réduire et il faut aussi s’attendre à des sanctions financières entre les différents pays.
Nous ne parlons pas seulement aujourd’hui de deux pôles de puissance, mais de multipolarité, comme en témoigne l’exemple de l’Inde: le pays s’est abstenu lors du vote de l’ONU condamnant l’invasion russe. Il effectue des exercices militaires avec l’Occident, mais aussi avec Moscou. Cette situation est source d’instabilité dans la mesure où des alliances se nouent et se dénouent par opportunisme. À cela s’ajoute la difficulté d’établir des coopérations, par exemple pour lutter ensemble contre le réchauffement climatique, qui constitue une bombe à retardement sociale, surtout lorsqu’il entraîne un important afflux de réfugiés.
Le projet d’une Europe intégrée connaîtra lui aussi des obstacles avant que la situation ne se détende à nouveau sur le front de la politique monétaire et budgétaire menée dans la zone euro.
Têtes grises: le vieillissement de la population, thème majeur des années 2020
Dans certains pays, la diminution de la population active deviendra réalité dès cette décennie. Cette évolution accentuera encore la pénurie de main-d’œuvre spécialisée et ralentira la croissance de l’économie, à moins d’une augmentation de la productivité. Quant à savoir si ce recul pourra être compensé par des tendances favorables, telles que l’automatisation et l’intelligence artificielle, la réponse reste incertaine.
Les systèmes de retraite seront mis à mal par le vieillissement de la population si des réformes ne sont pas engagées en profondeur. Des réformes qui, à l’exemple du relèvement de l’âge de la retraite AVS, peuvent déclencher des conflits intergénérationnels.
Ces développements concernent aussi de plus en plus les pays émergents, tels que la Chine. Le phénomène de la surabondance d’épargne, qui a contribué à la baisse des taux d’intérêt, va s’inverser, tout comme la tendance baissière amorcée par les taux d’intérêt dans les années 1980.
Forte inflation: une baisse des taux illusoire
L’évolution des taux d’intérêt dépend directement de l’inflation. Profondément endormie pendant trente ans, celle-ci s’est réveillée de manière brutale et inquiétante. Les prix de l’énergie retiennent plus particulièrement l’attention. En hausse de quelque 30%, ils ont atteint un niveau sans précédent depuis les années 1970.
La durée et l’intensité des augmentations de prix seront déterminants, car une flambée des prix de l’énergie et des denrées alimentaires est de nature à attiser les tensions politiques. Il est fort probable que l’économie tourne au ralenti durant les deux années à venir, et que la situation se détende en conséquence sur le front de l’inflation.
La perspective d’une baisse sensible des taux directeurs au cours des prochaines années semble peu probable. Ces derniers pourraient même être relevés davantage si le spectre effrayant d’une spirale prix-salaires devait surgir et contraindre les banques centrales à passer à l’action.
Quelles conclusions tirer?
La forte inflation et les taux élevés sont partis pour durer un certain temps. Les liquidités en francs suisses ne préserveront pas le pouvoir d’achat, les devises encore moins. Une allocation modeste en obligations apporte à nouveau un peu d’équilibre à un portefeuille. À long terme, les actions et l’immobilier offrent une meilleure protection contre l’inflation et généreront des revenus nominaux acceptables; corrigés de l’inflation, ces revenus seront toutefois plus bas que durant les 20 dernières années. Les actions devraient probablement toucher un plancher d’ici la fin de l’année en cours avant d’offrir à nouveau de meilleures opportunités à long terme. Il faut toutefois s’attendre à une plus grande volatilité et à un recul des marges bénéficiaires.
Après s’être envolés durant la pandémie, les prix de l’immobilier corrigés de l’inflation vont diminuer sous l’effet de la hausse des taux d’intérêt. Au cours des prochaines années, les crises immobilières resteront des cas isolés spécifiques à certains pays, notamment en raison d’équilibres budgétaires globalement solides. La Suisse affiche ici – comme dans de nombreux autres domaines économiques – une meilleure résilience.
Les investissements offrant une protection immédiate contre l’inflation sont actuellement sous-représentés dans de nombreux portefeuilles. Les spécialistes en placement de la BCBE mettent tout en œuvre pour trouver une solution et relever ce défi.
État: octobre 2022